• Nathalie Quintane, François Deslaugiers, Le Viaduc Le Corbusier

    Voici un livre assez original. Le pont Le Corbusier qui relie les deux gares de Lille a fait l’objet d’un ouvrage qui rend hommage à son architecte aujourd’hui disparu, François Deslaugiers. L’hommage est assez classique dans deux des trois parties du livre : la partie centrale, consacrée au projet avec les mots et les dessins de l’architecte, et la postface signée François Chaslin qui rend compte de sa vie et de son œuvre.

    Le texte principal l’est beaucoup moins. Il a été écrit par Nathalie Quintane, l’un des grands noms de la poésie contemporaine dont Jean-Michel Espitallier disait qu’elle interrogeait « avec une acuité de sociologue notre monde, filmant le réel comme un objet plat ».

    D’ailleurs l’objet en question l’est assez, plat. Le viaduc Le Corbusier est caractérisé à la fois par son aspect de « rue en l’air » comme le dit l’architecte lui-même, et par ses arches disposées de manière originale et esthétique. Cet esthétisme n’a plu que modérément d’ailleurs à Rem Koohlas, l’architecte-chef d’orchestre d’Euralille pour qui l’harmonie déstructurée et le chaos étaient des leitmotivs, entre autres. Sur l’ensemble du nouveau quartier pourtant, le pont fait parties des plus belles réalisations.

    Mais au-delà de ce pont, qui relie les deux quartiers de Lille - son quartier historique et son quartier d’affaire -, ce livre est intéressant pour les textes de Nathalie Quintane. Elle imagine des rencontres entre elle et des personnages venus de Marseille (Jean-Paul), des habitants de Lille (Martine, Charles)... On reconnaît parfois en creux les sources d’inspiration, même si les noms ne sont pas cités. Le pont est décors, sujet ou anecdote dans ces courtes nouvelles, comme cette description anthropomorphe : 

    « Je regarde en l’air, sous mon pont, les dessous de son tablier ; pourvu qu’il soit étanche, qu’il ne me pisse pas dessus son eau de pluie. Mais non, son arc incorrect et sec se déploie ; de l’humour, mais de la rigueur. De l’élégance, mais de la rigueur et de l’humour. (…). Il ne cherche pas à s’envoler, mon pont, mais il cherche quand même à décoller.

    « Un pont qui décolle. (…) Mais c’est à l’évidence aussi un homme écartelé, en tout cas écarté, sur une roue, avant son supplice, car on ne lui a pas défoncé la poitrine et ses membres sont intacts, tendus, musclés (…). Voilà donc un pont anatomisé : il aura suffit de basculer perpendiculairement ses arches pour qu’on les voie, ou plutôt qu’elles se rappellent à notre attention. »

    L’image du pont-squelette, l’humain dépecé au milieu d’Euralille est assez parlante. Un livre intéressant pour la multiplicité de ses entrées et leurs interactions. Un bémol cependant : dommage que les photos et la maquette ne soient pas à la hauteur du pont et des contributions.

     

    Nathalie Quintane, François Deslaugiers, Le Viaduc Le Corbusier, Al Dante collection édifice, 2010 - 20 €

     

     

    Article à paraître dans le prochain Babelle

     

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