• L’histoire et celle d’un homme seul, accompagné d’un gros paquet. Il arrive, marchant, souffrant sous le poids de cet étrange colis aux dimensions vaguement humaines. Il s’assoit sur un banc, image quasi beckettienne, et se lance dans un monologue ininterrompu où tour à tour on se demande s’il est un simple vagabond en phase délirante, le dernier représentant de l’humanité ou tout simplement un dieu faisant le bilan de sa création. Voire un écrivain en trop grande solitude qui s’amuse à composer des alexandrins : le tiercé suscite un « validez, Madame, validez je vous prie », ailleurs « Jeannot a validé sa grille de loto ».

    Le discours est parfois flou, manque de cohérence. Mais l’homme, qui visiblement a traversé des difficultés et souffre de ses souvenirs, reste profondément humain. « Je suis un peu tout le monde ». Sur son banc, il renoue régulièrement les fils de ce paquet qu’il dit fait de « tout ce qui traînait, nos bassesses, nos veuleries, nos promesses reniées, toute la laideur du monde et celle de nos actes ».

     

     Vie, mort, fin du monde, sens de nos actes ; un monologue mais une pièce totale.


    © François ANNYCKE

    Article publié sur le site "critiqueslibres.com"


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  • Voici un petit livre salutaire, tant pour l’architecture que pour l’esprit critique. Ecrit par l’un des plus célèbres architectes français en exercice, il dénonce cette norme appliquée par tous et partout, la Haute Qualité Environnementale, trois mots qui tendent à former le triangle d’or du BTP et de la pensée unique. Dire HQE c’est non seulement avancer un argument écolo reconnu et respecté, mais c’est un joker qui permet d’échapper à toute critique. Cela conduit pourtant à quelques aberrations. En témoigne l’exemple de l’air conditionné généralement installé dans tous les bâtiments neufs, alors que dans certaines régions comme la nôtre il serait moins coûteux pour l’environnement de construire des bâtiments dont les fenêtres puissent s’ouvrir et dont les murs puissent conserver la chaleur, plutôt que de créer des boîtes hermétiques en verre et en béton dispendieuses en énergie.

    Au-delà de ces critiques de bon sens, Ruddy Ricciotti décortique le système HQE lui-même. Car ce titre n’est pas qu’un logo plein de noblesse et de vertu. « le titre HQE© avec "registered mark" appartient à l’AIMCC dont le tout récent président à ce jour est Jean-Marie Vaissaire, directeur général de la région France/Benelux/Algérie de Saint-Gobain, directeur général de la société Placoplâtre, directeur général d’Isover et, par ailleurs, co-président du groupe de travail n°5 "industrie" au Grenelle de l’Environnement ». Ainsi, dans le domaine du bâtiment notamment, recherche, conseil, validation et structuration des démarches environnementales reviennent aux entreprises qui d’autre part exécutent les marchés selon les normes HQE qu’elles établissent elles-mêmes. Bien plus que des marchands du temple, on a à faire à des renards malins qui viennent plumer les poules directement dans le poulailler avec la bénédiction du fermier.

    Le propos est sévère, le pamphlet décapant, parfois déroutant, mais sa lecture nécessaire pour ouvrir les yeux sur ces pratiques.

    Ruddy Ricciotti, HQE, Al Dante, 2009 - 13 €



    Article à paraître dans le prochain Babelle


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  • L’incroyable périple d’un jeune Afghan, un récit de Geoffroy Deffrennes


    Le livre retrace la vie d’un homme de 22 ans, Wali Mohammadi. Né dans le fracas des guerres, il a vu mourir une sœur, deux frères et a perdu ses parents. Orphelin à 15 ans, il veut rejoindre une autre sœur en Angleterre. De Kaboul à Calais, il voyage en camion, à cheval, en canot pneumatique... « Personne n’est arrivé à Calais par hasard. Le parcours est quasiment initiatique, c’est une série d’épreuves qui affaiblit le corps mais rend l’esprit plus fort. » A l’arrivée c’est encore l’enfer : détenu à Coquelle, envoyé en pleine campagne, gazé, racketté.... Il y retrouve des compatriotes, croise une famille qui l’aide à s’en sortir.

    Cette histoire témoigne donc d’une réussite, là où beaucoup échouent. Chaque étape est racontée simplement, sans que ni Wali Mohammadi, ni Geoffroy Deffrennes – qui a écrit le récit –, ne sombrent dans le sentimentalisme. Au-delà, sa force est de montrer à quel point dans ces situations, l’humanité atteint ses limites. « Chaque jour, je m’aperçois qu’il faut composer avec notre morale individuelle pour survivre ». Certains développent une bestialité renforcée par un sentiment d’impunité, d’autres s’adonnent sans complexe au trafic d’êtres humains. D’autres encore font preuve d’une solidarité et d’une fraternité décuplées par la situation exceptionnelle et les conditions d’indigence extrême. Et au milieu, des migrants qui rêvent simplement de construire une vie ordinaire après ce parcours extraordinaire.

    © Francois ANNYCKE


    Article paru dans Babelle n°7 (janvier 2010)


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